MA CHRONIQUE du 11 avril 2025
- florencemarsault
- 11 avr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 avr.

AUDIO 🎧 https://bit.ly/1104FM
Une petite voix me titille quant à mon rapport au travail, à la valeur très grande que je lui accorde. C’est cette même petite voix qui me dicte les mots de cette nouvelle chronique intitulée avec humour et conviction « Mon travail, mon amour ».
Je vais être parfaitement honnête avec vous, je l’ai rédigée aussi un peu par provocation au calendrier des semaines à venir, un mois de mai au cours duquel l’encre coule souvent pour nous indiquer par quelle arithmétique quelques jours de congés mêlés à quelques ponts créeront des grandes vacances. Déformation professionnelle : cela fait 25 ans que j’accompagne des petites et « grandes » entreprises (parce que je n’aime pas dire "moyennes") dont la vie est écrite chaque jour par des femmes et des hommes remarquables. J’ai envie aujourd’hui de rendre hommage à cette valeur travail. C’est peut-être simplement la vision d’une femme qui a la chance d’être portée par les projets qu’elle entreprend, mais pas seulement….
Le sens du travail, du service, le goût pour l’accomplissement, se lisent sur toute personne qui œuvre à son métier avec courage, plaisir ou satisfaction, persévérance ou ambition. Songez comme il est agréable d’avoir face à nous un ou une professionnelle qui travaille avec le sourire, qu’il ou elle soit artisan, homme d’entretien, caissière, chauffeur de taxi ou enseignante, chef d’entreprise et j’en passe ; le sourire et la reconnaissance de la chance que nous nous créons chaque jour de pouvoir travailler sont à mes yeux des trésors pour l’individu comme pour la société.
Pour saisir vraiment la valeur d’une chose, il est intéressant de s’interroger sur les conséquences de son absence. Alors je partage avec vous ces deux questions :
Et si du jour au lendemain, vous et moi n’étions plus en mesure de travailler ? Si une situation de crise grave dans notre pays nous privait de cet acte quotidien, du fruit de nos efforts autant que d’une part de notre accomplissement en tant qu’individu ?
Ces deux situations, je les évoque parce que je les ai vécues. L’une d’entre elles m’a touchée personnellement, l’autre, j’en été témoin, les yeux dans les yeux dans un contexte singulier.
La première s’est produite il y a tout juste un an quand mon corps s’est brutalement arrêté suite à un problème de santé. Quelques semaines avant cet épisode, je me souviens d’un week-end au cours duquel j’initiais mon fils à quelques fondamentaux de gestion car il venait de créer son auto-entreprise. Je lui dévoilais le beau tableau Excel qui contenait les noms de mes clients, la nature de mes missions et le chiffre d’affaires associé, une sorte de symbole rationnel du fruit de mes efforts, de ma persévérance, et de mon amour pour mon métier surtout. Je me sentais victorieuse et rassurée grâce à mon travail. Eh bien, ce beau tableau a atterri quelques jours plus tard dans ma poubelle, juste après avoir appelé mes clients, avec une profonde tristesse, pour leur annoncer que je n’étais plus en mesure de reprendre mes missions durant un temps indéterminé.
Stade sévère d’une maladie neurologique, j’ai partagé cela avec vous dans ma dernière chronique. J’étais un demi-légume dont le corps ne parvenait pas à obéir aux commandements de l’esprit, fonctions cognitives aux abonnés absents aussi. Un crash, c’est comme cela que se nomme l’épisode qui était en train de changer ma vie, de me priver de mon travail.
L’horloge du temps professionnel, que j’avais passé plus de 20 ans à parfaire, à aiguiser, à savourer, a rendu l’âme dans sa forme du moment. J’en étais fière pourtant, en tant que femme, en tant que mère pour montrer à ma fille que l’histoire change, que les femmes peuvent se faire confiance et oser des voies professionnelles ambitieuses et heureuses. Le temps a été suspendu pour absorber le choc, accepter, me requinquer, puis comprendre que mon travail ne m’était pas enlevé parce que cette valeur, ce goût de construire était en moi, je devais simplement le réinventer entièrement sous une autre forme mais avec une force de conviction décuplée. Par chance, mon état de santé s’est amélioré, je pressentais qu’un nouvel accomplissement professionnel et un grand défi personnel seraient des ingrédients majeurs pour être debout à nouveau, apprivoiser ma maladie et agir, comme je l’avais toujours fait.
La seconde situation que j’évoquais en préliminaire, j’en ai été témoin en 2022 au cœur de l’Ukraine.
Dans les régions attaquées, la vie des familles, des hommes, des femmes, des enfants s’est arrêtée brutalement. L’emploi du temps quotidien rythmé par le travail des adultes et l’école des enfants a laissé place à la survie, à la recherche de solutions, à la peur comme au courage. Lors des missions humanitaires que je menais sur le terrain, je vous fais la promesse qu’il n’y avait pas un homme ou une femme qui ne se battait pour trouver un moyen de travailler coûte que coûte dans ce chaos. Pour l’argent évidemment, besoins primaires, vitaux : se nourrir, se chauffer, se loger. Les mères nous demandaient de l'aide pour mettre leurs enfants en sécurité durant quelques heures de la journée pour aller travailler car leur mari était souvent sur le front.
Les civils à qui nous demandions s’ils avaient besoin de quelque chose pour leur famille nous répondaient fréquemment : "Nous ne voulons pas d’argent, nous voulons du travail." Les personnes âgées cultivaient la moindre parcelle de terre pour vendre sur le bord de la route les fruits, les légumes et les herbes qu’ils avaient produits avec soin pour gagner de quoi survivre.
Et une fois les chocs ou l’urgence matérielle passés, cette même quête de travail devenait essentielle pour d’autres raisons : pour retrouver à tout prix ce qui ressemble à une vie où l’on crée quelque chose de ses jours, où nos compétences sont utiles et utilisées, où l’on a des interactions humaines, où l’on partage un café, une discussion, où les nouvelles de la famille sont échangées, où l’on est satisfait des fruits de son œuvre journalière, quel que soit son métier…
Cette page de vie fondamentale de mon parcours, cette aventure humaine sous le drapeau jaune et bleu, est encore aujourd’hui une des plus enrichissantes de ma vie ; elle m’a fait toucher du doigt l’essentiel. C’est elle aussi qui me guide chaque jour dans une combativité qui fait taire la fatalité et monte le son des devenirs.
Alors je reviens avec vous à sur question initiale, sans jugement aucun, simplement par goût de la réflexion collective : Et si pour une raison ou une autre nous étions privés de travailler, comme le sont un grand nombre de femmes et d’hommes dans le monde et dans notre pays, pour des raisons très différentes. Je vous livre ma réponse : par mon vécu ou par les expériences dont j’ai été témoin en France, en Ukraine ou au Maroc lors de mes missions humanitaires, j’ai l’intime conviction que le travail est une chance, un élément constitutif et structurant de notre existence et de notre accomplissement. Pour preuve, les individus qui en sont privés se battent souvent de toutes leurs forces pour connaître à nouveau cette part fondamentale de leur vie.
Je dirais que le travail est un acte tantôt stimulant, tantôt épuisant, un acte engageant, stressant, passionnant, nécessaire et vital ; un acte enrichissant qui construit une part majeure de notre identité individuelle, et une part plus grande encore de notre destinée collective.
Et vous, quelle est votre vision du travail ?
Transmettez-moi vos mots, vos expériences, vos constats, je serai heureuse de les lire, de les rassembler et d’en extraire le sujet d’une suite à cette chronique.
Je vous retrouve vendredi prochain avec joie, prenez soin de vous et savourez l’existence :)
Le lien d'écoute est disponible au début de ce texte, un immense merci à vous 🫶
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